Au téléjournal de Radio-Canada, un reportage de Julie Vaillancourt présenté le 14 janvier a levé le voile sur une pratique de prête-nom dans une garderie privée de la Rive-sud de Montréal. Loin s’en faut de conclure que le cas est exemplaire de l’ensemble des garderies privées du Québec. Néanmoins, force est d’y constater une dérive possible qui met en évidence les côtés les plus sombres des garderies privées. Plus encore, le cas soulève encore une fois des questions de fond quant aux orientations qui président au développement des services de garde à l’enfance subventionnés et quant aux motivations qui animent les promoteurs privés.
Comment ne pas s’inquiéter que la recherche d’un gain financier soit une motivation pour démarrer un service de garde, parfois même avant le désir de répondre aux besoins des enfants et des familles? Faut-il rappeler que les services de garde à l’enfance jouent un rôle essentiel dans le développement des enfants, plus encore chez les enfants issus de milieux défavorisés? Faut-il vraiment rappeler également l’article 1 de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance qui stipule clairement que son objectif central d’un service de garde est de «[…]promouvoir la qualité des services de garde éducatifs fournis par les prestataires de services de garde qui y sont visés en vue d’assurer la santé, la sécurité, le développement, le bien-être et l’égalité des chances des enfants qui reçoivent ces services, notamment ceux qui présentent des besoins particuliers ou qui vivent dans des contextes de précarité socio-économique».
Le développement des enfants ne devrait en aucun cas souffrir d’une logique axée d’abord sur le profit. L’évidence est telle qu’on l’oublie trop souvent. Le cas de fraude soulevé au téléjournal nous le rappelle malheureusement et nous invite à une réflexion sur la qualité des services offerts aux enfants. Même le président de l’Association des garderies privées du Québec concède que des profits beaucoup plus élevés que la moyenne ne peuvent s’expliquer autrement que par des compromis sur la qualité. Qualité des installations, qualité du volet pédagogique, qualité des repas, qualité de la formation des éducatrices, etc. … Les sources d’économie sont multiples afin d’augmenter le profit mais, au bout du compte, la conséquence reste la même et ce sont les enfants qui en font les frais. Remarquez, il n’est pas si surprenant que des propriétaires de garderies privées relèguent au deuxième plan leur mission fondamentale quand même la ministre de la Famille, Francine Charbonneau, admet que le financement des garderies peut constituer « un marché intéressant pour les gens qui veulent faire de l’argent ».
Toutes les garderies privées ne sont pas du même acabit. Néanmoins, seuls les centres de la petite enfance (CPE) sont constitués sur un modèle d’organisation qui placent sans équivoque la qualité des services au cœur de ses préoccupations et qui fait du bon développement des enfants son seul véritable objectif. Entreprises d’économie sociale privées et autonomes, les CPE ne cherchent pas le profit avant tout. En occupant la majorité des sièges au sein de leur conseil d’administration, les parents ne se limitent pas à un rôle secondaire, ils participent directement aux décisions. Il n’est donc pas très étonnant qu’en 2013-14, 89% des plaintes enregistrées au ministère de la Famille relativement à la santé et à la sécurité des enfants visaient des garderies privées alors que celles-ci cumulaient 34% des places! Dans les CPE, les parents veillent constamment au bien-être des enfants. Pas étonnant non plus que la principale raison expliquant le choix d’opter pour une garderie privée soit le manque de places dans les CPE.
Pour le Chantier de l’économie sociale, aujourd’hui tout autant qu’au début du développement du réseau des CPE, il importe d’investir pour l’avenir de nos enfants plutôt que d’opter pour des solutions qui visent d’abord la recherche d’un profit sur le dos des enfants et des familles. Si le Québec est encore fou de ses enfants, les CPE constituent encore la meilleure voie pour leur développement!