9 mars 2020

Le budget de tous les possibles

Le 10 mars prochain, le ministre des Finances déposera le budget 2020-2021 du Québec. Situation financière favorable et surplus budgétaires considérables, ce budget sera celui de tous les possibles. Mais les défis à relever sont si importants qu’ils obligent à faire des choix.

Quelle sera la place accordée à l’environnement ? Quelles seront les stratégies pour atténuer les impacts du choc démographique ou pour lutter contre les inégalités ? Qu’en sera-t-il du soutien aux entreprises et des stratégies pour assurer la vitalité des régions ? Quelle place sera accordée à l’innovation et sous quelles formes ? Plus largement, c’est toute la question de la qualité de vie des Québécois qui est en filigrane. Après un peu plus d’un an au pouvoir, le gouvernement Legault a l’occasion idéale de déployer plus concrètement sa vision de l’avenir du Québec.

Le constat est le suivant : notre modèle de développement n’est pas viable à long terme. Ses impacts environnementaux ne sont pas soutenables, il creuse les inégalités et met en jeu la vitalité culturelle du Québec. Face à cela, un nombre croissant de citoyens se mobilisent pour réclamer des changements dans les stratégies gouvernementales. Mais les Québécois sont également nombreux à identifier collectivement les solutions à leurs besoins communs et à choisir l’entreprise comme véhicule pour mettre en œuvre ces solutions par des façons de faire plus équitables et plus durables. Cette volonté de prise en charge citoyenne pour assurer de meilleures conditions de vie se traduit par la mobilisation de résidents et d’acteurs économiques locaux pour maintenir des leviers de développement au service de la communauté (médias locaux, réhabilitation immobilière, services de proximité, etc.) et pour contribuer à l’idéation et à la réussite d’initiatives de revitalisation.

De ce fait, au-delà des mesures fiscales, une attention soutenue devra être portée aux mesures qui viseront à soutenir ou répondre à ces mobilisations citoyennes autour d’initiatives d’entrepreneuriat collectif. Donnons à la population les moyens de prendre en charge le développement de leurs milieux de vie, de leur territoire ou, plus largement, de leur région !

Pénuries de main-d’œuvre, intégration des personnes immigrantes, accès au logement abordable, récupération et recyclage, loisirs et culture, infrastructure immobilière dans les communautés, services aux aînés… les défis communs des communautés en appellent partout à des solutions collectives. Et sur ces questions comme sur d’autres, le soutien à l’entrepreneuriat doit s’inscrire dans une perspective de retombées collectives et de transparence.

Un commentaire du ministre de l’Économie face aux déboires récents de Bombardier pointe d’ailleurs vers cette question. En affirmant que les Québécois devront à terme « comprendre où est allé l’argent », le ministre Fitzgibbon traduisait cette évidence que l’investissement de fonds publics dans les entreprises doit servir les intérêts des Québécois et non des seuls actionnaires d’une entreprise. Il soulignait ainsi qu’en bout de ligne, c’est à la population que le gouvernement doit rendre des comptes. Et à nos yeux, cette reddition de compte doit être triple : économique, sociale et environnementale.

Parce qu’elles sont ancrées dans leur territoire et visent le bien-être de leurs membres et de leur communauté plutôt que la seule maximisation des profits, les entreprises d’économie sociale sont disposées à cette triple reddition de compte. Plus encore, parce que leur gouvernance est démocratique, elles fondent leur action sur une analyse collective des besoins et des solutions. De plus, leur aptitude à regrouper une multitude d’acteurs pour répondre à des besoins de façon innovante, leur plus grande pérennité et la distribution mieux répartie de la richesse qu’elles créent font d’elles des véhicules de premier plan pour assurer un développement économique plus inclusif, solidaire et pérenne de nos territoires.

En jumelant la nécessité de déployer un modèle économique viable et une mission sociale, culturelle ou environnementale, l’économie sociale constitue un outil tout indiqué pour tester et accroître de nouvelles façons de faire, plus durables et plus équitables. Quelle vision d’avenir émergera du budget présenté cette semaine ? Sans aucun doute, les moyens consentis aux collectivités pour assurer leur propre développement seront déterminants pour en arriver à parler d’un budget visionnaire.

Cette lettre est signée par Béatrice Alain, directrice générale du Chantier de l’économie sociale.