Le gouvernement du Québec mènera bientôt des consultations sur le projet de loi visant principalement à instituer le Centre d’acquisitions gouvernementales et Infrastructures technologiques Québec. Ce projet de loi prévoit de regrouper en une seule entité, les services offerts actuellement par différents regroupement, dont le Centre de services partagés du Québec, Collecto Services regroupés en éducation et des groupes d’approvisionnement en commun du réseau de la santé.
Individuellement, nous prenons tous en considération différents critères au moment de faire nos achats : le prix, la qualité du produit, la provenance, l’impact social ou environnemental de notre choix, l’ensemble de notre budget, nos priorités, etc. Ce qui est certain, c’est que notre analyse dépasse généralement la simple question du prix. Pour un gouvernement, il est normal, voire essentiel, de se questionner sur ses pratiques d’achats, d’évaluer périodiquement les processus en place et de réfléchir aux meilleures façons de les rendre plus efficientes. Mais ces exercices ne devraient jamais se limiter à l’analyse des coûts au moment de l’achat. Au contraire, le gouvernement doit impérativement y intégrer des considérations beaucoup plus larges qui ont trait à l’ensemble des orientations qui guident son action. Au-delà des choix “économiques”, le gouvernement doit considérer l’ensemble de ses dépenses comme un levier de développement plutôt que d’analyser chacune sous l’angle unique du prix d’achat.
Les acquisitions gouvernementales peuvent être plus que des dépenses et représentent également une manière stratégique de réaliser des investissements. Pour générer davantage de retombées collectives plutôt que de chercher simplement à réaliser des économies à court terme, le gouvernement devrait inclure tous les coûts liés aux impacts sociaux et environnementaux de ses pratiques d’achats. Il devrait tout à la fois se soucier du développement économique de l’ensemble des régions, prendre en compte ses propres stratégies et ses engagements et intégrer à ses décisions d’acquisition l’ensemble des coûts liés au produit ou au service jusqu’à la fin de sa vie utile (production, distribution, optimisation de l’utilisation, gestion des matières résiduelles). Le tout, sans oublier que le fait d’orienter les dépenses d’acquisition du gouvernement vers l’achat local ou régional se traduit également par des revenus accrus pour les gouvernements (taxes et impôts).
Bien entendu, les politiques d’achats gouvernementales doivent prendre en compte les besoins des acheteurs publics et s’assurer de répondre à leurs attentes (qualité, disponibilité, délai de livraison, prix). Mais elles doivent aussi être utilisées comme levier facilitant l’atteinte d’autres objectifs poursuivis par le gouvernement. Par exemple, l’acquisition de biens et de services par le gouvernement peut favoriser l’essor de fournisseurs locaux, contribuer à l’amélioration du bien-être des collectivités ou permettre l’atteinte de cibles prédéterminées, comme la réduction de notre empreinte environnementale. En ajoutant des critères de proximité, on peut contribuer au développement local tant par la création ou le maintien d’emplois que par les taxes et les impôts générés.
La création du Centre d’acquisitions gouvernementales devrait donc viser deux objectifs : permettre de diminuer les coûts d’acquisition pour le gouvernement ET faciliter le déploiement de stratégies visant à faire avancer les priorités gouvernementales en matière de développement socio-économique, incluant notamment ses engagements prévus dans la Loi sur le développement durable et dans la Loi sur l’économie sociale.
Les regroupements d’achats sont un bon moyen d’identifier et de mettre en oeuvre des solutions adaptées aux acteurs partageant des besoins similaires. Toutefois, pour être véritablement efficaces, ces regroupements d’achats doivent être connectés sur la réalité du milieu et s’assurer que les acheteurs ont une bonne connaissance des enjeux communs (demandes) et connaissent les produits et services des différents fournisseurs pertinents (offre).
Ainsi, des processus doivent aussi être prévus pour éviter un renversement de la situation au détriment du gouvernement. En effet, lorsque les lots sont trop gros, peu de fournisseurs sont en mesure de répondre à la demande, entraînant alors une baisse du nombre de soumissions et, bien souvent, une hausse des prix. Par ailleurs, des politiques d’achats trop restrictives limitent les administrations dans l’utilisation des achats publics comme levier d’intervention du gouvernement pour soutenir le développement de la communauté et des entreprises qui y contribuent.
Partout à travers le monde, des gouvernements locaux adaptent leurs pratiques d’achats pour en maximiser les impacts positifs. En ce sens, le Chantier est préoccupé par le projet de loi no 37 qui semble accroître la concentration des pouvoirs et la centralisation des décisions en matière d’acquisition, plutôt que de proposer une vision de développement économique et communautaire basée sur les acquisitions gouvernementales. Pourtant, de nombreuses stratégies peuvent contribuer à accroître la pertinence des achats publics :
Sur cette question comme sur d’autres, il nous semble que l’autonomie et la flexibilité des organisations facilitent à la fois leur résilience et leur capacité d’innovation dans les solutions développées au Québec. C’est pourquoi il nous apparaît essentiel que la concentration des fonctions d’acquisition au sein d’une seule structure ne se traduise pas par un recul d’initiatives novatrices qui ont démontrées leur pertinence et qui ont déjà permis de soutenir le développement socioéconomique des territoires et des communautés du Québec.