Le 20 août dernier, nous apprenions que le Groupe Capitales Médias (GCM) déclarait faillite. À défaut d’une solution rapide, six grands journaux québécois allaient disparaître, chacun jouant un rôle essentiel dans leur région respective. Depuis, plusieurs joueurs se sont manifestés pour envisager un rachat et opérer une relance de l’entreprise. Déjà, l’intérêt suscité constitue en soi une première bonne nouvelle. À une époque marquée par une transformation profonde des grands médias d’information, la mobilisation autour des médias régionaux a de quoi nous rassurer sur l’importance d’avoir une information régionale de qualité.
Dans chacune des régions touchées, des voix se sont aussi élevées pour faire de cette reprise d’entreprise un projet collectif. C’est une deuxième bonne nouvelle. Plutôt que d’attendre le prochain grand sauveur, les premiers concernés – travailleurs et travailleuses – se sont organisés sur leur propre base et ont rapidement trouvé des appuis dans leurs communautés. Cette mobilisation collective traduit le caractère essentiel de ces médias, que ce soit pour l’information locale, le développement économique, la vitalité culturelle et, au final, le sentiment d’appartenance qu’ils contribuent à développer.
Plus encore, le lancement de la campagne « Coop mon journal » indique sans équivoque que la mobilisation produit déjà des résultats concrets permettant d’impliquer toutes les parties prenantes. Les travailleurs et travailleuses ont notamment reçu l’appui et le soutien du milieu syndical et d’acteurs régionaux et nationaux expérimentés en développement de l’économie sociale. Dans un contexte où le temps presse, il est de bon augure de constater la rapidité avec laquelle toutes les parties ont bougés. D’ailleurs, l’existence d’un écosystème de soutien agile et expérimenté est une clé essentielle pour la réussite des entreprises collectives. De constater la présence et la capacité de réaction de cet écosystème dans toutes les régions est la troisième bonne nouvelle de cette histoire.
La situation de GCM nous donne l’occasion de mettre de l’avant le potentiel de l’économie sociale dans des secteurs où les modèle d’affaires des entreprises sont appelés à être transformés. C’est le cas de plusieurs secteurs au Québec, dont la culture, la gestion des matières résiduelles et le transport collectif, pour ne nommer que ceux-là. C’est le cas également pour assurer le développement et le déploiement de services de proximité dans les communautés rurales éloignées. Dans tous ces cas, l’économie sociale est une voie prometteuse qui doit être systématiquement explorée. Puisqu’elle repose sur la contribution de plusieurs acteurs et vise la pérennité de l’entreprise plutôt que la maximisation des profits des actionnaires, l’entreprise collective constitue une option de développement qui s’inscrit d’emblée dans une perspective de transformation. Elle offre un modèle permettant de réconcilier les besoins des collectivités et l’opération d’une entreprise qui doit faire ses frais. Et c’est exactement la situation dans laquelle se trouve les médias régionaux qui doivent maintenant se réinventer pour assurer leur survie. Pour ce faire, les acteurs de l’économie sociale au Québec ne manquent sans aucun doute pas d’idées ou d’outils pour les soutenir.
En somme, l’exemple de la mobilisation collective autour de la relance de GCM illustre ce qu’on est capables de faire dans des délais serrés pour éviter une fermeture, dans un contexte qui appelle à repenser le modèle d’affaire de base. Que ce soit dans des secteurs en difficulté ou en croissance, pour intégrer des bassins de main-d’œuvre sous-représentés en emploi, pour garantir la possession des outils de production de la richesse par et pour les premiers intéressés, nous sommes convaincus que l’économie sociale peut faire plus et mieux et qu’elle permet d’assurer la présence à travers le Québec d’entreprises gérées par nous et pour nous.
Béatrice Alain, Directrice générale, Chantier de l’économie sociale
Frédéric Lalande, Président, Chantier de l’économie sociale